Il resta quelques instants immobile dans la brume du réveil, le corps glacé, malgré les trois radiateurs allumés dans l’appartement et se glissa davantage sous l’épaisse couverture qui recouvra jusqu’en haut son visage endormi. Chaque geste, fusse-t-il lever les bras ou crisper les doigts des mains ou même des pieds, lui sembla quasi insurmontable, comme le sont beaucoup de ses journées grises dont la plupart, soulignées d’un noir aussi sombre qu’un trait de fusain, le terrorisent au point de ne pas pouvoir quitter ce linceul. Tout colle. Les cheveux fins au front, la bouche pâteuse, la langue, les cils scellent les paupières. D’un léger et lent mouvement il tourne la tête, ouvre les yeux. 4 Décembre. Un nouveau jour. Ne se souvient plus de l'anniversaire. De ce jour -là, il ne garde que le souvenir de l’avoir quittée, au réveil, satisfait de sa journée réussie. Lui glissa en guise de cadeau une phrase, vous savez, ces phrases qui restent dans le crâne et décida de ne plus la revoir. Bien sûr il a pris soin de lui remercier la nuit qu’ils venaient de passer ensemble et l’objet qu’elle avait réalisé, un calendrier de l’Avent. Flash visuel. Esquisse un sourire, qui se veut large, mais le corps est lourd et chaque geste, pour le plus petit qu’il soit, gélatineux. Un sentiment grandissant de satisfaction teinté de cette même sensation de réussite irrigue son corps. La réussite ! Une seule chose suffit et le jour tout entier s’élève, on aurait dit qu’il avait gagné la loterie. Tout d’un coup, il se sent doté de qualités sublimes, virtuose d’un instrument de musique dont il n’avait jusqu’à alors tiré que des sons angoissants, champion d’un sport qui le commençait à décourager, témoignant à l’égard des autres, une intelligence, un savoir faire voire un don pour le calcul et la manipulation, sans oublier, comble de l’ironie, une modestie, voire une humilité qui oblige, au milieu de tant de talents, l’admiration de tous.
Une vie réussie ? Un jeu acrobatique et périlleux.
Des dérives incessantes, des détours, des complications,
des éternelles hésitations, journées dangereuses, remplies d’obstacles et dérapages. Tout y est embuscade. Périls semblables aux jours d’errance du voyage d’Ulysse, et où l’on comprend que le récit en est fini, qu’il faut une célébration pour ce soir de dégustation et de beuverie et de « divine » entrée dans le lit d’une femme.
Je n’ai pas d’image d’une journée réussie. Je n’ai pas d’image du calendrier de l’Avent non plus.